Manager l’innovation pour une performance durable

L’innovation, un territoire bien vaste

L’innovation est un atout majeur pour les entreprises qui veulent s’adapter et se démarquer face à un marché en perpétuel changement. Innover, peut être vu comme un investissement pour construire le futur dans un environnement incertain. D’une part en construisant un capital humain et d’autre part, en pérennisant sa performance en innovant dans ses processus.

Cela peut être une innovation « produit », une innovation commerciale ou une innovation de Business Model… L’innovation peut être scientifique et technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une solution nouvelle à un problème rencontré par des clients. Mais l’innovation peut aussi porter sur la modernisation d’un outil de production et de l’organisation, et ainsi permettre de repenser la façon dont les entreprises créent de la valeur avec leurs clients et leurs partenaires.

L’innovation concerne les organisations de toutes les tailles et de tous les secteurs d’activité.

La roue de l’innovation est un outil qui aide à mieux comprendre la diversité qui existe en matière d’innovation. Elle regroupe les différents types d’innovation en trois catégories : configuration, offre et expérience.

L’innovation, un pêle-mêle de définitions

D’après Schumpeter (1911), l’innovation est une « destruction créatrice », qui favorise l’évolution de la structure économique en remplaçant continuellement les éléments obsolètes par de la nouveauté.  Sa théorie explique en quoi les périodes de crises sont favorables à l’innovation. À cette époque, il ne parle pas encore d’innovation, mais de « combinaison productive nouvelle ». La notion d’innovation industrielle fut introduite en 1928 et a évolué à « innovation » tout court sous l’impulsion de l’OCDE en 2005.

En 2013, l’INSEE revient à cette vision en présentant une nouvelle définition de l’innovation. Celle-ci a certains points communs avec celle proposée par l’AFNOR dans sa norme ISO 56002.

L’innovation est donc une voie nouvelle et plus efficace pour créer durablement de la valeur. Elle se reconnaît par son aspect nouveau et par la valeur qu’elle crée.  Mais pour créer de la valeur, il est indispensable de comprendre et gérer les opérations d’innovation ; c’est là qu’intervient le management de l’innovation.

Le management de l’innovation : un système complexe et vivant

L’AFNOR définit le Système de Management de l’Innovation (SMI) comme un « ensemble des actions coordonnées et des décisions prises par une organisation ou un ensemble d’organisations en interaction avec son écosystème pour favoriser l’émergence de ses projets d’innovation et les mener à bien »(1).

On y retrouve les notions d’actions et d’interactions qui permettent de transformer le désir d’innovation en modèle économique durable grâce à la convergence de compétences et de ressources. Une entreprise peut innover de manière efficiente si tous les éléments du SMI sont liés par une mission commune et orientés vers des objectifs définis. Manager l’innovation, c’est structurer l’organisation afin qu’elle soit en mesure d’accompagner l’adoption, le développement et la pérennisation de l’innovation…et de faire face aux imprévus. L’organisation doit donc intégrer dans son système de fonctionnement, un ensemble de techniques, de processus, d’outils et allouer des ressources pour créer un environnement propice à la performance des innovations.

La réussite du SMI de l’entreprise repose sur 8 principes structurants :

Manager l’innovation dans toutes ses composantes

Le SMI repose sur différentes composantes propres à l’organisation : ses fondamentaux, sa stratégie, sa culture, ses objectifs, ses process, etc. De ce fait, il est essentiel pour chacune d’entre elles de construire son propre SMI en intégrant ces différentes composantes et en mobilisant tous les acteurs de son écosystème pour créer de la valeur ajoutée dans la durée. Voici quelques actions qu’une entreprise peut mettre en place pour réussir son SMI :

Chaque action doit être alignée sur la mission, la vision de l’innovation, la stratégie, la politique et les objectifs de l’organisation. C’est la raison pour laquelle elles doivent être mesurées et évaluées à partir d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs.

Le management de l’innovation, un trio gagnant

Un système performant doit associer management stratégique, management opérationnel et démarche systémique.

Le management stratégique de l’innovation

Un management stratégique de l’innovation alloue, oriente et gère les ressources pour générer des innovations performantes et les accompagner de la conception à la valorisation. Son objectif est d’établir une stratégie d’innovation cohérente avec la stratégie globale de l’entreprise et les objectifs de croissance par l’innovation. Pour cela, il combine activités d’innovation, processus d’innovation, initiatives d’innovation et gestion du portefeuille de projets innovants. On y retrouve quelques phases clés :

Le management opérationnel de l’innovation

Le management opérationnel de l’innovation est un management de projets innovants. Il consiste à gérer un projet d’innovation avec pour données d’entrée une idée (ou une invention), en définissant les process, les méthodes et les outils les plus adaptés à son développement. Il peut s’agir de choix d’indicateurs, d’outils, de méthodes ou encore de formations.

Le management opérationnel de l’innovation comprend aussi quelques phases clés :

Pour chaque idée de génie, de milliers d’autres n’aboutissent pas car les outils ne sont pas adaptés. Les process et les outils mis en place dans l’entreprise doivent permettre de tester toutes les idées afin de conduire les plus pertinentes à des innovations.

La démarche systémique

Adopter une démarche systémique d’innovation, c’est repenser de manière innovante, l’organisation des éléments dans un système. Quel que soit le type d’organisation, l’innovation est la clé de la survie. La concurrence est féroce et les conditions du marché évoluent perpétuellement. La capacité à innover régulièrement est une caractéristique nécessaire pour rester viable.

Un modèle d’entreprise qui réussit aujourd’hui peut rapidement devenir désuet demain. Une vision systémique permet de réduire l’incertitude et d’intégrer les changements en proposant des modèles durables s’appuyant sur les interconnexions entre les éléments. L’objectif est de comprendre pourquoi la combinaison de certains éléments du système produisent de meilleurs résultats que d’autres pour déterminer la meilleure combinaison possible. Cela demande de mobiliser des capacités de créativité pour appréhender le monde autrement et ouvrir les champs du possible.

Le rôle crucial du management de l’innovation :  comment mesurer sa capacité à innover ?

Le management de l’innovation permet à l’organisation de capitaliser durablement sur les idées et de les partager efficacement. Il permet de développer une capacité de plus en plus forte à innover et de gagner un avantage compétitif. Toute organisation qui souhaite mettre en place un système de management de l’innovation doit commencer par établir un état des lieux de sa capacité d’innover afin d’identifier les niveaux de progression et des leviers d’actions.

Le responsable de l’innovation doit alors se poser quelques questions :

Si la réponse à l’une de ces questions est négative, voici quelques étapes pour améliorer la capacité à innover.

5 étapes pour restaurer ses capacités d’innovation :

Étape 1. Cultiver l’innovation

Steve Jobs disait que la plus grande innovation, c’était de créer une organisation capable d’innover en permanence. Développer une culture de l’innovation est essentielle pour fédérer tous les collaborateurs autour de l’innovation, en expliquant son importance et en les intégrant à chaque étape du processus. Cette culture d’innovation doit être soutenue au quotidien par des valeurs et des rituels instaurés dans l’entreprise. À moyen terme, la culture de l’innovation doit pouvoir se transmettre et s’incarner hors du périmètre de l’entreprise, et notamment chez les investisseurs, pour développer de nouveaux projets.

Étape 2. Structurer l’innovation

Innover durablement demande l’intégration de différents éléments de gestion et les processus/outils qui s’y rattachent (coûts, suivi, protection, évaluation, valorisation…). Organiser l’innovation ne consiste pas seulement à déterminer un budget et à allouer des ressources. Il faut également structurer le projet pour coordonner les éléments du système. Manager un projet innovant, c’est aussi :

• gérer l’incertitude en anticipant les changements du marché
• s’arrêter à temps ou pivoter quand cela s’avère nécessaire

Étape 3. Manager l’innovation

Chacune des actions en faveur de l’innovation doivent rester cohérentes avec l’orientation stratégique de l’organisation : vision, raison d’être, missions et objectifs, pour favoriser la création de valeur. L’innovation est essentiellement un processus de création de valeur par l’application de solutions nouvelles à des problèmes importants. Nous l’avons vu, l’innovation implique des changements. Aussi minimes soient-ils, ils peuvent susciter chez les collaborateurs des réactions inattendues. Les échecs de certaines innovations sont liés à un manque de mobilisation de l’équipe. L’innovation doit être un facteur de cohésion et l’accompagnement managérial est décisif.

Étape 4. Développer l’innovation

La stratégie d’innovation de l’entreprise doit être agile afin de se réorienter, de redéfinir les priorités et de favoriser un climat d’amélioration continue. Au même titre que l’innovation, la créativité est un élément essentiel pour le succès des entreprises. Elle leur permet de pouvoir se distinguer auprès de la clientèle, de se faire remarquer par les investisseurs et de supplanter la concurrence en proposant des solutions inédites. Elle représente donc un enjeu pour l’entreprise car développer sa créativité, c’est développer sa capacité à proposer des solutions originales et efficaces face à un problème donné ; voir même d’anticiper les besoins et les attentes des parties prenantes. La créativité est une des compétences nécessaires pour développer l’innovation.

Étape 5. Sur(veiller) l’innovation

Pour s’assurer une pérennité, l’organisation innovante doit surveiller en permanence son environnement afin d’anticiper les changements liés à l’avenir de l’organisation et celui du marché. La veille est donc l’outil stratégique par excellence pour les entreprises innovantes. Parce qu’une innovation est limitée dans le temps, l’adoption d’un système de veille permet de suivre l’évolution de l’environnement afin d’être plus compétitif, d’anticiper les grandes transformations à venir et de s’informer. Il est donc essentiel de consacrer des ressources à la définition d’une stratégie et d’un système de veille, source de partenariats et de détection de nouvelles opportunités d’innovation.

Comment nourrir sa capacité à innover au quotidien ?

Voici quelques recommandations pour nourrir et entrainer sa capacité à innover au quotidien :

Formuler et formaliser une stratégie d’innovation :

Il est important de formuler et formaliser les grandes lignes directrices : mission, vision, valeurs et objectifs, pour permettre aux collaborateurs de s’approprier la stratégie de l’organisation. C’est autour de ses fondamentaux que se construiront l’engagement et l’implication de chacun des membres dans la cause commune. Le niveau de formalisme peut varier en fonction de la taille de l’entreprise, mais il revêt une importance capitale car c’est “le liant“.

Valoriser l’échec :

Mandela disait : « Je ne perds jamais. Sois-je gagne, soit j’apprends ».

Google est riche d’un très grand nombre d’échecs. Présentées comme une révolution, les Google Glass fut abandonnées quelques années plus tard. Mais elles ont permis de préciser les usages et on voit aujourd’hui des lunettes connectées dans le divertissement ou pour des usages professionnels précis. En valorisant l’innovation mais aussi l’échec, l’organisation sera en mesure de créer une culture d’entreprise propice à l’émergence de nouveaux projets et capable d’attirer les meilleurs talents. D’autant plus que les échecs fournissent des informations stratégiques pour les futurs projets d’innovation. Le droit à l’erreur est donc une caractéristique importante en innovation.

Centrer la stratégie d’innovation autour de l’utilisateur :

C’est la pierre angulaire de la stratégie d’innovation de grandes entreprises comme Amazon : proposer des innovations à partir des problèmes rencontrés par les clients/utilisateurs, puis tester et améliorer à partir de leurs retours.

L’organisation peut favoriser le test des projets par les utilisateurs. C’est par exemple la notion d' »utilisateur gratuit » ou de modèle freemium. En suivant ce modèle, il est possible d’acquérir une base de clients plus vaste, extrêmement précieuse car monétisable a posteriori. Mais au-delà de l’aspect monétisation, une large base utilisateurs apporte aussi une connaissance des utilisateurs bien plus fine, ce qui permet alors de penser des services encore plus pertinents.

Favoriser un travail collaboratif et l’intelligence collective :

Lorsque les salariés se concentrent uniquement sur leurs objectifs fonctionnels et leurs résultats, cela laisse peu de place à autre chose. Pour favoriser l’esprit d’innovation dans l’entreprise, les collaborateurs doivent disposer d’un espace pour stimuler leur créativité au-delà de leur rôle principal. La création de ce temps consacré à l’innovation signale aux collaborateurs que l’entreprise valorise leur pensée disruptive et les considère comme faisant partie intégrante de l’avenir de l’entreprise. L’esprit est comme tout autre muscle, il a besoin d’être développé par l’exercice. Lorsqu’un temps est accordé à la réflexion hors des sentiers battus, les employés peuvent stimuler ce muscle et l’entreprise fait alors naître une culture propice aux idées originales.

Booster la capacité à innover en récompensant les bonnes idées :

Après avoir créé un univers propice à la pensée innovante, mettez en place un système de récompenses et de reconnaissance qui incite les employés à identifier les points sensibles ou les opportunités tout en proposant des solutions disruptives. Si une idée s’avère viable et finit par être commercialisée, la personne qui a eu l’idée mérite une récompense adéquate. Grâce à ce système, l’organisation cultive une culture dans laquelle l’ingéniosité est applaudie et gagnera des salariés convaincus de pouvoir faire la différence, quels que soient leur formation ou leur fonction.

Innover de manière responsable pour une rentabilité durable :

Initialement les stratégies d’innovation étaient perçues comme des moyens d’adapter les entreprises au progrès technique et technologique. Elles étaient perçues sous deux angles « technologie push » et « Market pull » selon la vision de Foster (1986). Les innovations étaient avant tout technologiques et visaient un gain essentiellement de productivité. Les stratégies d’innovation correspondaient alors au monde passé. Les stratégies d’innovation ont par la suite beaucoup évolué, fortement influencés par les changements économiques, politiques et sociaux. Depuis quelques années, elles sont marquées par la volonté des organisations d’intégrer les objectifs de développement durable (ODD, horizon 2030) des Nations Unies dans leurs stratégies afin de préserver la société et l’environnement.

Aujourd’hui, les stratégies d’innovations n’ont plus dessein à accompagner l’introduction de technologies, mais de créer un environnement favorable à l’adoption, au déploiement d’innovations… tout en conciliant rentabilité et durabilité. Désormais, ce sont les technologies qui doivent soutenir une innovation responsable et plus le contraire.  

Une innovation est considérée comme responsable si elle remplit 3 critères cumulatifs (2). Elle doit être :

• Rentable (marché)
• Durable (cycle de vie écologique)
• Acceptable (impact positif)

Si l’on se fie à la définition proposée par l’ONU du développement durable (3), une innovation durable serait une innovation qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

En résumé, pour un SMI efficient, il faut prendre en compte les requis et les étapes qui jalonnent le cheminement vers une réussite durable. Cela comprend :

• un management stratégique, un management opérationnel de l’innovation, une démarche systémique en s’appuyant sur les interconnexions entre les éléments de l’environnement et une stratégie de veille
• la possibilité pour les membres de l’organisation de tirer pleinement parti des opportunités, d’explorer leurs idées et de contribuer à des projets à impact pour la société
• une prise de risque en encouragent l’apprentissage par l’erreur et l’expérimentation

En outre, le déploiement d’un SMI permet d’acquérir les informations nécessaires à la prise de décision de management, qu’elles soient opérationnelles ou stratégiques.

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